Par Johanne Adam
En novembre 2018, le gouvernement provincial de l’Ontario a soulevé une tempête politique en raison de décisions affectant la communauté franco-ontarienne, des réactions se faisant entendre de la part des communautés francophones de partout au pays.
Deux semaines après l’annonce, soit le 1er décembre 2018, des milliers de Franco-Ontariens manifestaient haut et fort leur mécontentement lors de rassemblements organisés aux quatre coins de la province.
« C’est une première dans l’histoire récente de la francophonie au pays », selon Linda Cardinal, titulaire de la Chaire de recherche sur la francophonie et les politiques publiques à l’Université d’Ottawa. « Cela dépasse même le soulèvement qui a suivi l’annonce de la fermeture de l’Hôpital Montfort en 1997. C’est du jamais vu! »
Le mouvement actuel semble en effet fédérer l’ensemble des francophonies – Québec compris – autour des revendications des francophones de l’Ontario. C’est pourquoi Linda Cardinal, Martin Meunier et François Rocher, tous trois professeurs titulaires à l’Université d’Ottawa, ont organisé une journée d’étude intitulée: La francophonie canadienne et le Québec : un avant et un après Doug Ford?
Le 31 janvier 2019, trois panels d’experts se sont penchés sur les relations entre le Québec et la francophonie canadienne. Politiciens, universitaires, journalistes et autres experts ont pris part aux réflexions sur le contexte historique et sociologique des récents événements. Il a été question des perspectives d’avenir pour la francophonie canadienne: Le rapport de pouvoir face aux gouvernements sera-t-il désormais meilleur? L’appui du Québec est-il nécessaire pour annuler des décisions en milieux francophones minoritaires? Voilà quelques unes des questions qui ont été débattues
Mme Sonia LeBel, ministre de la Justice, ministre responsable des Relations canadiennes et de la Francophonie canadienne et ministre responsable de la Condition féminine au sein du gouvernement du Québec, y a prononcé une allocution. « C'était l’occasion pour la ministre de mettre à jour le discours du gouvernement du Québec sur la francophonie et sur le Canada », souligne Mme Cardinal.
Benoît Pelletier, professeur de droit à l’Université d’Ottawa, fondateur du Centre de la francophonie des Amériques et ancien ministre du gouvernement du Québec, a pris la parole lors de la clôture de l’événement.
Raviver le mouvement de solidarité
« Cette nouvelle solidarité est l’occasion de réfléchir différemment au Canada de demain et aux rapports entre les francophones du Québec et du Canada », déclare Martin Meunier, titulaire de la Chaire de recherche Québec, francophonie canadienne et mutations culturelles.
« Nous avons discuté de la transformation du lien entre le Québec et les communautés francophones en situation minoritaire », poursuit François Rocher, professeur titulaire à l’École d’études politiques de la Faculté des sciences sociales.
« Comme universitaires, nous cherchons à comprendre ce qui se passe à l’heure actuelle, afin de contribuer au débat et à l’avenir », poursuit Linda Cardinal.
L’histoire derrière le mouvement
Des rapports de solidarité ont déjà existé au sein de la francophonie canadienne. Toutefois, dès les années 1960, le Québec tendait à privilégier un néonationalisme qui excluait de son avenir cette francophonie. Cette position a suscité du ressentiment chez les francophones de l’Ontario et d’ailleurs au Canada, qui se sont sentis abandonnés par les Québécois.
Les récents événements en Ontario démontrent que le Québec considère bel et bien qu’il fait partie de la francophonie canadienne.
« On sent émerger quelque chose de nouveau dans cette crise. Peut-on appeler ça un nationalisme pancanadien? Je ne sais pas. Une chose est sûre, c’est qu’une partie des Québécois, tant fédéralistes que nationalistes, semblent maintenant partie prenante de la cause des francophones en Ontario ou ailleurs », déclare Martin Meunier.
« Cet élan de solidarité pourrait-il s’étendre à d’autres provinces canadiennes? », demande François Rocher. « Les questions que nous voulons soulever ne touchent pas que les Franco-Ontariens. Elles touchent aussi les francophones en milieux minoritaires qui voient leurs droits remis en question par leurs gouvernements respectifs. Pensons au Nouveau-Brunswick, où un gouvernement conservateur s’est allié à un parti qui répudie le bilinguisme. »
« Jamais autant de commentateurs n’ont parlé de l’Ontario dans les médias, fait valoir Linda Cardinal. Il faut que ça continue à alimenter la réflexion collective et que les gens puissent constater que l’histoire n’est pas terminée. »