L’équipe de recherche de l’ICES et de L’Hôpital d’Ottawa a montré que les anomalies électrolytiques étaient aussi liées à l’apparition d’autres problèmes de santé graves, comme l’insuffisance rénale chronique, les fractures, l’occlusion intestinale et les lésions rénales aiguës.
Il s’agit de l’une des premières grandes études populationnelles à dégager un facteur de risque important pour la mortalité et les problèmes de santé chez les personnes atteintes de troubles de l’alimentation. Les électrolytes, comme le potassium et le sodium, peuvent influencer le fonctionnement de l’organisme. Il est fréquent de déceler des anomalies électrolytiques chez les personnes atteintes de troubles de l’alimentation en raison des symptômes comme le comportement purgatif, l’utilisation de laxatifs et la déshydratation.
« Ces constats pourraient justifier la mention explicite d’anomalies électrolytiques dans les critères d’évaluation de la gravité des troubles de l’alimentation », affirme l’auteur principal, le Dr Marco Solmi, directeur médical du Programme régional des troubles de l’alimentation à L’Hôpital d’Ottawa et directeur de la recherche au Département de psychiatrie de l’Université d’Ottawa.
L’équipe de recherche a inclus plus de 6 000 personnes de plus de 13 ans ayant reçu un diagnostic de trouble de l’alimentation et subi une analyse du taux d’électrolytes dans l’année suivant leur diagnostic, selon les dossiers d’hospitalisation ou de consultation aux urgences dans la province de l’Ontario, au Canada.
État de santé et mortalité
En analysant les dossiers de santé entre 2008 et 2019, l’équipe a constaté que :
- La plupart des personnes incluses dans l’étude avaient un diagnostic de trouble de l’alimentation non précisé – une alimentation perturbée ne correspondant pas aux critères de l’anorexie, de la boulimie et de l’hyperphagie boulimique – (59 %), après quoi venaient l’anorexie (22 %) et la boulimie (15 %);
- L’âge moyen était de 27 ans, et 89 % des personnes étaient de sexe féminin;
- 1 987 personnes (32 %) avaient une anomalie électrolytique, et beaucoup avaient des problèmes de santé concomitants;
- Parmi les personnes ayant un trouble électrolytique, 16 % sont décédées, comparativement à 6 % dans le groupe sans anomalie électrolytique;
- Les anomalies électrolytiques étaient aussi associées à un risque accru d’hospitalisation et d’autres problèmes de santé graves, mais pas à un risque d’infection ou de maladie cardiaque.
« Ces résultats soulignent l’importance de vérifier le taux d’électrolytes des personnes souffrant de troubles de l’alimentation, puis d’agir si nécessaire pour potentiellement réduire le risque de décès ou d’autres problèmes graves », estime Nicholas Fabiano, co-auteur principal et résident en psychiatrie à L’Hôpital d’Ottawa et à la Faculté de médecine de l’Université d’Ottawa.
L’éducation et la sensibilisation de la patientèle ont aussi un rôle à jouer. « Les patientes et patients nient souvent avoir des troubles de l’alimentation, ou en sous-estiment les conséquences pour la santé. Cette étude démontre que les troubles de l’alimentation assez graves pour causer des perturbations électrolytiques ont des répercussions majeures sur les résultats de santé à long terme », souligne l’auteur en chef de l’étude, le Dr Gregory Hundemer, scientifique adjoint à l’ICES, néphrologue et titulaire de la Chaire de recherche sur les maladies du rein Lorna Jocelyn Wood à L’Hôpital d’Ottawa, et professeur adjoint à l’Université d’Ottawa.
Enfin, l’équipe de recherche suggère que les conclusions peuvent aider à redéfinir la manière dont les cliniciennes et cliniciens évaluent la gravité des troubles de l’alimentation, évaluation qui est actuellement fondée sur l’indice de masse corporelle et la fréquence des comportements comme les épisodes d’hyperphagie. Des anomalies électrolytiques peuvent être décelées en cas de trouble de l’alimentation à la présentation atypique, ce qui pourrait ultimement améliorer les soins et réduire le risque de décès ou d’autres problèmes.
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