Dans l’approche pédagogique de Pearline Barrett-Fraser (B.A. spécialisé en psychologie, 2016 et B.Éd. 2019) — ou Madame Pearl comme l’appellent ses élèves —règnent respect, valorisation de l’expression de soi et inclusion sociale, culturelle et académique. Pour déconstruire les préjugés et créer un environnement bienveillant où chaque enfant peut s’épanouir pleinement, elle encourage le dialogue et célèbre la diversité.
En plus d’être enseignante au niveau élémentaire, Pearline enseigne la danse hip-hop dans le cadre d’un programme destiné aux jeunes de la maternelle à la 12e année. Sa pédagogie incarne les quatre principes de ce mouvement culturel et artistique afro-américain : paix, unité, amour et plaisir. Née dans le Bronx à New York, le berceau du hip-hop, ce sont des valeurs qui l’accompagnent depuis toujours. C’est aussi l’approche qu’elle préconise tant dans les ateliers de danse que dans la salle de classe.
Avec son énergie contagieuse, Pearline agit comme un réel tremplin pour ses élèves en les encourageant à faire preuve de curiosité, à être engagés et à créer des liens forts et positifs.
Nous nous sommes entretenus avec Madame Pearl, l’enseignante que nous aurions toutes et tous souhaité rencontrer dans notre parcours scolaire.
Cette entrevue a été abrégée par souci de concision.
Parlez-nous de la philosophie qui vous anime en tant qu’enseignante.
L’inclusion, la reconnaissance de l’autre et l’acceptation de la diversité font partie de mes valeurs fondamentales.
Je crois énormément en l’apprentissage mutuel. J’apprends de mes élèves autant qu’ils apprennent de moi et entre eux. Nous formons ensemble une communauté d’apprentissage. D’ailleurs, je concentre beaucoup d’efforts sur l’établissement de liens solides, en créant un environnement sûr, accueillant et positif dans la classe.
Comme enseignante, la réussite de mes élèves me tient à cœur. Mon rôle consiste bien sûr à leur enseigner la matière, mais ce n’est que la pointe de l’iceberg. Je pense qu’il est de mon devoir de créer un milieu sécuritaire et un réseau de soutien qui permettront à mes élèves d’acquérir les compétences sociales et émotionnelles nécessaires à leur épanouissement.
Je dis toujours à mes élèves que je suis là pour les soutenir — je veux qu’ils aient confiance en eux pour exploiter tout leur potentiel.
Comme vous êtes instructrice de danse en plus d’être enseignante, pouvez-vous nous en dire plus sur les bienfaits d’apprendre avec la danse, la musique et la culture?
La danse, plus particulièrement le hip-hop, crée un lieu de rencontres et d’échanges.
J’ai enseigné la danse à des élèves de la maternelle à la 12e année issus de différents niveaux d’éducation et de différentes origines par l’intermédiaire de Luv2Groove, une organisation qui offre des ateliers de danse dans le cadre des cours d’arts et de santé et éducation physique dans les écoles. Travailler avec Luv2Groove Dance Education, a confirmé mon engouement pour l’activité physique et le mouvement dans la salle de classe.
Dans ma thèse de maîtrise que je poursuis actuellement à la Faculté d’éducation, j’examine en quoi la danse hip-hop est rassembleuse et j’étudie ce qui nous permet de tisser des liens étroits à travers le mouvement et les arts. Le hip-hop a le potentiel et le pouvoir de faire vibrer les gens à l’unisson; c’est une culture qui préconise la paix, l’esprit de communauté et la connexion. J’y vois le moyen de promouvoir la paix et la justice sociale.
Le fait d’expérimenter diverses formes d’expression de soi donne aux jeunes la chance d’accéder à leur environnement d’apprentissage sous différentes approches. C’est également un moyen pour les éducateurs et éducatrices d’entrer en relation avec les élèves sur un plan qui les intéresse et qui est culturellement adapté.
Je souhaite que mes recherches aboutissent à la création de ressources et de lignes directrices utiles aux spécialistes de l’éducation, afin qu’ils déconstruisent les barrières de la pédagogie. Je veux leur fournir les outils nécessaires pour qu’ils puissent promouvoir la littératie physique, la danse et le hip-hop à l’école tout en favorisant un environnement culturel riche, propice à l’épanouissement des élèves et au renforcement de leurs liens avec la collectivité tout entière, en dehors de la classe.
Quel est le rôle des enseignants et enseignantes dans la promotion d’une éducation antiraciste et dans l’épanouissement des jeunes provenant de divers horizons?
C’est en représentant la diversité dans les écoles et en encourageant les enseignantes et enseignants à tenir des discussions importantes qu’on peut instiguer un changement véritable. Enseigner en faisant abstraction de la diversité n’est d’aucune utilité. Il faut plutôt la reconnaître, célébrer les différences qui font la richesse du groupe, et souligner les points communs qui nous unissent.
C’est ainsi que l’on peut contribuer à créer un espace sûr et sain, et que l’on provoque des changements pour le mieux.
Il est essentiel de discuter en classe des expériences vécues par les membres des communautés noires. On doit entendre ces histoires et reconnaître les injustices, non seulement du passé, mais celles dont on peut encore témoigner aujourd’hui. La reconnaissance, la réflexion et l’éducation sont cruciales, tout comme donner la parole aux élèves et leur permettre de s’exprimer.
Il est toujours bon de maintenir le dialogue lorsque l’occasion se présente et qu’il est approprié de le faire.
En tant qu’enseignantes et enseignants, nous devons créer ce cadre de discussion, car ce que les élèves n’explorent pas en classe, ils l’apprennent à l’extérieur, et pas toujours de la bonne manière. Il peut y avoir tellement de malentendus, et c’est comme ça que naissent les préjugés inconscients et le racisme intériorisé.
Pouvez-vous nous donner quelques exemples de façons dont le Mois de l’histoire des Noirs est célébré à votre école?
J’ai aidé à créer, pour mes collègues enseignants et enseignantes, un calendrier d’activités et une liste de ressources à intégrer dans les salles de classe. Les jeunes pourront découvrir des figures importantes de l’histoire des Noirs au Canada et prendre connaissance de leurs nombreuses contributions. Ils seront ensuite invités à y réfléchir, par exemple dans le cadre d’un projet artistique, d’un travail d’écriture ou d’une discussion.
Je tiens énormément à mettre en relation le passé et le présent afin que les élèves découvrent non seulement les pionnières et pionniers à travers l’histoire, mais aussi les personnes qui aujourd’hui travaillent à changer les choses pour l’avenir. Les enfants des communautés noires qui fréquentent l’école actuellement font eux aussi partie de l’histoire des Noirs. Nous commençons à constater des changements. Quand les jeunes arrivent à trouver leur voix et voient leur potentiel, les retombées sont innombrables!
Les jeunes sont fiers de rentrer à la maison et d’enseigner à leurs parents ce qu’ils ont appris pendant la journée. C’est très valorisant pour eux, et c’est aussi le moyen idéal de poursuivre le dialogue à la maison.
Nous travaillons également sur un projet de plus grande envergure : une feuille de route sur l’équité pour les apprenantes et apprenants dans notre école, y compris le corps enseignant et le personnel administratif. Nous étudions les obstacles auxquels nos élèves sont confrontés, ainsi que les moyens de les encadrer et de nous guider mutuellement vers plus d’équité.
Ce sont les petites vagues qui forment un océan de changements.
Pearline a également participé à la série de vidéos 28 Moments of Black Canadian History, créée par Unilearnal. Sa capsule (en anglais) est diffusée à l’école où elle enseigne.