À ses débuts, Jan Grabowski pensait « qu’on avait étudié pas mal la question de l’Holocauste et qu’on savait ce qui s’était passé ». Après plusieurs années à étudier les dossiers d’archives, il a repéré un vide à combler. « Les historiennes et historiens se sont concentrés sur le rôle des Allemands et de leurs victimes, mais ont presque occulté le rôle des sociétés européennes pendant l’occupation nazie en Pologne. » C’est ce qui l’amène à se pencher sur cet aspect de l’histoire. Quel rôle jouent les gens ordinaires dans l’histoire et dans ses moments les plus sombres?
Comprendre l’Holocauste et les discours haineux d’hier et d’aujourd’hui
Pour Jan Grabowski, la recherche en histoire permet non seulement de répondre à des questions du passé, mais aussi de comprendre des mécanismes et des systèmes toujours présents dans nos sociétés.
Il avance que la recherche sur l’Holocauste prend tout son sens dans le contexte actuel. Selon lui, nous vivons dans un monde complexe où la démocratie – considérée comme acquise – est menacée par la montée du populisme et du totalitarisme.
« Ce sont des symptômes que je reconnais, que j’aperçois dans la façon de mener la politique de certains leaders, comme Trump aux États-Unis, ou encore dans les discours des dirigeants polonais ou hongrois : c’est une langue de la haine dirigée envers des minorités. Ce modèle d’argument dans les discours haineux, c’est en fait le modèle des années 1930 et 1940 qui est réutilisé.
« Ce qui m’anime, c’est de découvrir un sujet, une sphère nouvelle ou une réalité jamais décrite auparavant. Bref, une découverte. Tout à coup, vous comprenez, vous voyez avec plus de clarté ce qui s’est passé et les différents mécanismes en jeu. C’est comme quand vous finissez un casse-tête. »
Des recherches non conventionnelles
Dans ses recherches, Jan Grabowski a « suivi » les Juives et Juifs polonais fuyant l’extermination : les lieux supposément sécuritaires où ces personnes allaient, et les stratégies qu’elles adoptaient pour passer inaperçues (le changement d’identité, par exemple). En les retraçant, il a mis en lumière les mécanismes ayant mené à leur extermination et les raisons pour lesquelles la majorité d’entre elles ont trouvé la mort.
Le professeur contextualise clairement sa recherche. Celle-ci se situe dans ce qu’il désigne comme la troisième phase de l’Holocauste en Pologne : « la chasse aux Juifs qui ont réussi à fuir les ghettos ». Elle se situe après la période initiale de ghettoïsation, de marginalisation et de terreur envers les populations juives et la seconde marquée par la liquidation des ghettos et le déracinement des personnes juives vers les centres de mise à mort.
« À ce moment-là, dans ce que j’appelle la troisième phase de l’Holocauste, les Allemands ne sont pas les principaux dangers, car ils ne sont plus en mesure de juger qui est juif ou non. En réalité, ce sont les gens ordinaires, les voisins, qui constituent un réel danger. »
Grâce au soutien du Conseil de recherches en sciences humaines du Canada (CRSH), Jan Grabowski peut mener ses recherches dans les archives en Europe. Il concilie ses voyages de recherche avec son enseignement, qu’il reprendra pour la première fois depuis la pandémie en personne à l’automne 2023. En décembre 2022, ce professeur de renommée internationale recevait le prestigieux prix Savoir des prix Impacts du CRSH pour sa recherche sur l’Holocauste.
Enseigner pour former et inspirer les prochaines générations
Jan Grabowski fait ce métier parce qu’il aime enseigner et transmettre son savoir et ses découvertes. Lorsqu’il n’enseigne pas et qu’il se concentre plutôt sur sa recherche, ce contact avec la communauté étudiante lui manque énormément. La récompense de son travail d’enseignant, c’est d’avoir un impact sur les jeunes et de recevoir leurs échos.
En enseignant l’histoire de la Shoah à ces étudiantes et étudiants, le professeur veut aussi démontrer la façon dont l’humain peut déshumaniser des groupes. C’est ce qui anime Jan Grabowski : étudier l’histoire pour jeter un nouvel éclairage sur le passé et le présent, et former les prochaines générations de chercheuses et chercheurs.