Une équipe de recherche de l’Université d’Ottawa, qui étudiait les processus neuronaux partagés et uniques qui sous-tendent les différents types de mémoire à long terme, a découvert qu’ils sollicitent tous le même réseau cérébral plutôt que des zones différentes du cerveau.
L’étude internationale, publiée dans eLife, remet en question une théorie qui classe la mémoire sémantique générale et la mémoire épisodique comme deux systèmes distincts, suggérant plutôt que les différents types de mémoire à long terme pourraient être considérés comme un spectre où les mêmes zones du cerveau sont activées à des degrés différents.
« Malgré son importance, la sémantique personnelle reste un domaine peu étudié de la mémoire à long terme », explique l’autrice principale Annick Tanguay, qui a dirigé l’étude à l’École de psychologie de la Faculté des sciences sociales de l’Université d’Ottawa et à l’Université d’East Anglia (à Norwich, au Royaume-Uni). Même si l’on peut avoir l’impression que se remémorer des événements et se rappeler les connaissances générales que nous avons acquises sont des processus bien différents, ils sollicitent pourtant un grand nombre de régions cérébrales et de processus de pensée communs, mais dans une mesure différente. »
La mémoire à long terme peut être classée en deux catégories : la mémoire sémantique et la mémoire épisodique. La mémoire sémantique fait référence à la connaissance générale et non personnelle du monde que possède une personne, tandis que la mémoire épisodique concerne le souvenir d’événements contextuels précis de son passé personnel.
« Tous les types de mémoire semblent faire appel aux mêmes ingrédients, mais dans des mesures différentes. »
Annick Tanguay
— Autrice principale
La professeure Tanguay et ses collègues ont utilisé une technique de neuro-imagerie appelée imagerie par résonance magnétique fonctionnelle (IRMf) pour enregistrer l’activité cérébrale de 48 personnes pendant qu’elles répondaient à des questions de type « oui ou non », conçues pour solliciter soit la mémoire de connaissances générales (mémoire sémantique), d’événements uniques (mémoire épisodique) et de connaissances autobiographiques ou la mémoire d’événements répétés (deux types de mémoire sémantique personnelle). L’équipe a ensuite utilisé une méthode d’analyse multivariée pour comparer l’activité cérébrale des personnes participantes dans les quatre conditions de mémoire. Les données de neuro-imagerie ont été recueillies au Centre d’imagerie cérébrale de l’Institut de recherche en santé mentale (IRSM) de l’Université d’Ottawa, au Royal.
Leurs résultats indiquent que la mémoire sémantique personnelle, la mémoire sémantique générale et la mémoire épisodique ont des corrélats neuronaux à la fois communs et distincts. En comparant les quatre conditions de mémoire – faits autobiographiques, événements répétés, sémantique générale et mémoire épisodique – à une condition de contrôle, les scientifiques ont identifié les corrélats neuronaux partagés, constatant que les quatre types de mémoire faisaient intervenir plusieurs régions du « réseau de mémoire central » du cerveau.
L’équipe a soumis les mêmes énoncés à 106 autres personnes afin de mieux comprendre ce qui pourrait expliquer les similitudes et les différences entre les types de mémoire. En résumé, l’activité neuronale dans de nombreuses régions du « réseau de mémoire central » semble coïncider avec une augmentation de la pertinence personnelle et des détails visuels perçus par l’esprit, et le fait que le souvenir concerne une situation.
« Peu d’études ont comparé directement la sémantique personnelle à la mémoire sémantique ou épisodique, et encore moins ont comparé différents types de sémantique personnelle entre eux. Notre étude nous a permis de le faire », ajoute l’auteur, Patrick Davidson, professeur agrégé à l’École de psychologie et membre de l’Institut de recherche sur le cerveau de l’Université d’Ottawa.
Cette étude devrait présenter un grand intérêt pour les scientifiques du domaine de la mémoire et pourrait devenir une référence pour les recherches futures sur la mémoire autobiographique.
« Une meilleure compréhension de la façon dont plusieurs types de mémoire s’articulent ensemble pourrait contribuer à orienter la recherche ultérieure et avoir des implications considérables », poursuit le professeur Davidson, qui a travaillé avec Louis Renoult (auteur principal), professeur agrégé de psychologie à l’École de psychologie de l’Université d’East Anglia, et Daniela Palombo (coautrice), professeure agrégée au Département de psychologie de l’Université de Colombie-Britannique.
L’article ‘The shared and unique neural correlates of personal semantic, general semantic, and episodic memory’ est publié dans eLife le 21 novembre 2023. DOI: 10.7554/eLife.83645
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