Par Kelly Haggart
Cet été, 25 femmes extraordinaires se sont réunies sur le campus quasi désert pour travailler avec énergie et passion au rétablissement de la paix dans les régions du monde les plus déchirées par la guerre. Malgré les obstacles, elles avaient fait le voyage à partir d’une vingtaine de pays, dont l’Afghanistan, la Syrie, le Yémen, le Myanmar, la Colombie et le Soudan du Sud.
Ces femmes étaient toutes inscrites à la formation avant-gardiste sur la médiation sexospécifique et inclusive offerte pour la première fois par l’International Civil Society Action Network (ICAN). Cette activité financée par le gouvernement du Canada s’est déroulée au Centre de recherche et d’enseignement sur les droits de la personne de l’Université d’Ottawa à l’invitation du directeur du Centre, John Packer.
Des expertes de la paix
Du 16 au 21 juillet 2018, ces artisanes de la paix ont pu mettre en commun leurs expériences, apprendre à participer encore plus efficacement aux processus de paix et consolider leur réseau de soutien mondial.
« Ces femmes extrêmement courageuses forment un groupe unique », affirme Sanam Naraghi-Anderlini, cofondatrice et directrice générale de l’ICAN. « Elles ont négocié avec les talibans et des extrémistes. Elles ont été médiatrices dans des accords de cessez-le-feu. »
« Les femmes sont aux premières lignes des conflits locaux, poursuit-elle. Elles prennent soin des enfants et fournissent de l’aide humanitaire, elles connaissent intimement la réalité du terrain. Ce ne sont pas des expertes de la guerre, mais bien des expertes de la paix. »
« Il est essentiel que les femmes soient à la table des négociations de paix, car c’est leur avenir qu’on y décide. Le fait d’avoir pris part aux violences ne devrait pas être la seule façon d’y gagner une place. »
Promouvoir la participation des femmes
John Packer, premier titulaire de la bourse professorale Neuberger-Jesin pour l’étude de la résolution de conflits internationaux à la Faculté de droit, constate que les femmes et leurs points de vue sont généralement tenus à l’écart de ces discussions, ce qui limite les chances d’une paix durable.
Selon des recherches citées par l’ICAN, la paix a 54 % plus de chances de durer si des femmes ont participé à sa négociation. Dans le cadre de son Initiative pour mieux parvenir à la paix, le groupe a mis au point un guide pour promouvoir la participation des femmes à la prévention et à la résolution des conflits.
« Participer aux efforts de paix quand on est une femme est un des rôles les plus dangereux qui soit, affirme John Packer. Ces femmes bravent les normes sociales pour s’impliquer au péril de leur vie. Contrairement aux hommes, qui ont des milices et d’autres formes d’appui, beaucoup de ces femmes ne jouissent d’aucune protection et deviennent souvent la cible des groupes radicaux. »
Une chance extraordinaire
Pour les participantes, la formation était une rare occasion de rencontrer des pairs et d’en apprendre plus sur les pratiques exemplaires en matière de processus de paix. Pour les étudiants diplômés qui prenaient des notes, ce fut une « chance extraordinaire d’entendre des récits au “je” sur des événements qu’ils ne peuvent normalement explorer que dans leurs lectures », indique John Packer, qui travaille présentement avec la professeure Ellen Zweibel à la création d’un cours de droit en résolution de conflits internationaux. Le cours sera offert à l’été 2019.
Le professeur Packer a aussi souligné l’intérêt de l’initiative de l’ICAN pour les ONG d’Ottawa et le personnel d’Affaires mondiales Canada, qui ont pu rencontrer les participantes en marge des ateliers. Ces dernières ont aussi été invitées à visiter le parlement par la sénatrice Mobina Jaffer, qui préside le conseil d’administration de l’ICAN. Mme Jaffer ne tarit pas d’éloges à propos de ce réseau avant-gardiste d’artisanes de la paix des quatre coins du monde :
« Chaque femme pourrait faire l’objet d’un livre. C’est un honneur de simplement les voir aller. »